Rencontre avec Patrick Molard

Sorti au printemps 2019, « L'or des Mac Crimmon » est un documentaire qui raconte l’histoire d’une vie entre Patrick Molard et l’imaginaire de la musique de Piobaireachd. 

Breizh Music a rencontré Patrick Molard pour en parler.

 

Qui a eu l'idée de réaliser un DVD documentaire sur le pibroc'h ?


Cela vient d'une rencontre d'il y a plusieurs dizaines d'années avec Gérard Alle. A l'époque, il n'était pas encore romancier et nous avions discuté de la musique pibroc'h et de mon parcours en tant que sonneur de cornemuse écossaise. Il y a 3 ans, nous avons repris cette idée et avons construit ce documentaire. Nous avons enregistré à la Grande Boutique à Langonnet lors des répétitions de mon album « Ceol Mor – Light and shade » puis en Ecosse dans différents lieux, l'ile de Skye ou la Piobaireachd society à Glasgow.
Pour moi, c'est une nouvelle manière d'expliquer la magie de cette musique qui peut sembler répétitive voire ennuyeuse au premier abord. Alors, j'ai souhaité essayer de donner des clés de compréhension pour que chacun puisse ensuite aller en écouter et faire son propre chemin.

 

 

 

Cours de bombarde en ligne

Comment t'es tu passionné pour la musique pibroc'h ?


Quand j'avais 13 ans, mon père m'a emmené voir un bagad défiler et ça a été un choc. J'ai été tout de suite habité par le son des bourdons de la cornemuse. J'ai pris des cours avec Jakez Pincet qui avait vécu en Ecosse. Il avait fait un concert à Rennes et avait terminé par un air de pibroc'h et là je me suis dit que c'était cela que je voulais faire.
J'ai ensuite fait une faculté d'anglais et d'études celtiques à Rennes et je suis parti en Ecosse pour être assistant à Aberdeen. Je jouais déjà de la cornemuse dans un pipe band à Rennes.
Je faisais quelques petits concours qui se déroulaient pendant les highlands games, aux quatre coins du champ. J'en ai gagné un et le président du jury était Robert Brown, sonneur de la reine. Je lui ai demandé s'il voulait bien me donner des cours et il a accepté.

 

 

 

Formé par les sonneurs de la reine, tu es un des seuls au monde à avoir eu une formation basée sur le chant.


Pendant un an, j'ai été formé à la musique pibroc'h par Robert Brown et Robert Nicol. Nés en 1905, ils étaient sonneurs officiels de la reine Elisabeth.
J'avais 19 ans et j'apprenais avec les derniers porteurs de tradition, formés par le chant, par la transmission orale et par des procédés qui ont disparus du fait des partitions.
Ils m'ont appris à comprendre l'histoire du thème et à la chanter. La lumière et l'ombre, la force de la musique et les émotions qui vont avec.
C'est cela qui m'a permis bien des années plus tard de déchiffrer un vieux manuscrit pour jouer ensuite des pièces qui n'existaient plus dans le répertoire traditionnel.
Mais surtout, il faut comprendre que le pibroc'h qui est une musique qui demande beaucoup de technicité et de virtuosité, n'est pas une musique mécanique. Il ne s'agit pas de jouer pour gagner des concours mais de jouer pour raconter une histoire, pour faire ressentir des émotions.
L'un ne va pas sans l'autre.


C'est aussi vrai pour d'autres musiques comme la musique bretonne ?


Oui c'est vrai. Nombre de musiciens traditionnels bretons, irlandais ou de l'est de l'Europe sont techniquement brillants et très doués. Mais ils ne doivent pas oublier de raconter une histoire, de faire vivre des sentiments, des émotions comme la peur, la joie, la colère ou la jalousie. C'est vraiment là que s'exprime la musique.

Sans raconter tout le documentaire, tu peux nous définir en quelques mots la musique Pibroc'h ?


Le Pibroc'h n'est pas de la musique traditionnelle comme on l'entend habituellement comme par exemple le chant d'un paysan qui raconte ses malheurs avec sa bien aimée.
C'était la musique des chefs de clan qui parlait à tout le monde. Après la défaite des highlanders à la bataille de Culloden en 1746, la répression anglaise a été très dure. Les clans ont été anéantis, la cornemuse a été interdite et la musique pibroc'h a disparu. Et curieusement c'est la Highland Society of London, composée de gentlemen écossais vivant à Londres qui a sauvé cette musique. Cette musique mourrait au 19ème.
Les compositions sont pour la plupart signées des Mc Crimmon. Il faut un certaine formation pour jouer et pour composer. On dit que les chefs de clan envoyaient les sonneurs pendant 7 ans sur l’île de Skye pour absorber les secrets et les techniques de composition. 7 est le chiffre mythique …


Pourquoi « l'or des Mac Crimmon » ?


Les Mac Crimmon étaient les sonneurs particuliers du clan Mac Leod de l'ile de Skye au château de Dunvegan. C'était une famille légendaire, plein de mythes, Certains pensent qu'ils viennent de Cremona en Italie, d'autres des vikings.
Avant les Mac Crimon, il n'y avait rien. On pense qu'ils auraient inventé le troisième bourdon de la cornemuse, le plus grand.
On pense que cette musique là viendrait de la harpe, car il y avait un barde, un harpiste et un piper.
On pense que le piper aurait supplanté le jeu de la harpe. On retrouve les mêmes termes, les mêmes mouvements en adaptant au pibroc'h mais cela a pris des siècles.

 

Quel retour a eu le documentaire en Bretagne et en Ecosse ?


En Bretagne, le documentaire a été présenté dans une vingtaine de villes, grandes et petites.
Le public était composé de personnes curieuses avec l'envie de découvrir ou mieux comprendre cette musique. Nous avons eu à chaque fois beaucoup de questions et d'échanges.
En Ecosse, nous avons fait 7 projections et l'accueil a été très bon. A la Piobaireachd Society de Glasgow, à la fin de la projection, il y a eu un grand silence. Puis standing ovation et ces quelques mots « thank you so much ! ».

 

A voir :
« L'or des Mac Crimmon » : https://www.titaprod.com/l-or-des-mac-crimmon
A écouter :
« Ceol Mor – Light and shade » : Ed Innacor